2019
Pour 12 voix
Durée : 16 minutes
Création à Marseille, Salle Musicatreize le 12 février 2019
Commande de Musicatreize et du chœurde chamber avec le soutien de TENSO
Les conditions de commandes d’oeuvres décident des oeuvres. Le réseau européen des ensembles vocaux TENSO a voulu rendre hommage à la Première guerre mondiale. J’ai donc ludes textes de Brodsky,deAnna Ahmatovaetmême des haïkus japonais decette période.Mais chanter en russe est difficile et peu évident, même en Finlande.
Roland Hayrabedian m’a prêté un recueil de poèmes de Guillaume Apollinaire. Pendant l’été 2017 j’ai fait un voyage dans le sud de la France. Avec Roland nous avons parlé de ce projet, je lui ai joué quelques mélodies et harmonies. Finalement je n’ai rien utilisé de ces matériaux.
Puis tout a changé. 2018 était le centenaire de la guerre civile de Finlande, un sujet d’une grande frustration pour les Finlandais. En 1918 la Finlande n’avait qu’une année d’existence, le pays s’est détaché de la Russie pendant la Révolution d’octobre. Mais l’absence de commerce avec le pays voisin a créé des conditions économiques très difficiles, avec des restrictions et des grèves. Les partis ouvriers ont commencé une révolution similaire à celle de Saint-Pétersbourg. Le camp conservateur s’est mobilisé et aidé par de nouvelles forces (lesjeunes soldats finlandais qui étudiaient en Allemagne), a gagné la guerre civile au printemps . La Finlande est restée psychologiquement divisée jusqu’à la déclaration de la Seconde guerre mondiale contre l’URSS. L’ennemi commun nous a réunis.
Pendant cette commémoration l’année passée beaucoup de recherches ont été publiées. J’ai découvert un livre reprenant des lettres de prisonniers de cette guerre civile. (Pour la création en France, j’ai utilisé des extraits de lettres de prisonniers français de la première guerre mondiale). Je les ai placés au milieu de ma composition dans un format récité. Après ces répliques courtes et agressives, j’ai ajouté le traditionnel Dies Irae grégorien de la Messe des morts.
Finalement j’ai repris deux poèmes d’Apollinaire, dont j’adore la beauté. J’ai placé le premier poème (« Il pleut ») au début et l’autre poème presque à la fin, après le Dies Irae. Ce deuxième poème (« La Maison des morts »), irréel, est très impressionnant. Unescène au cimetière oùle poète passe une nuit avec les morts dans un cortègefunéraire :
Car y a-t-il rien qui vous élève
Comme d’avoir aimé un mort ou une morte
On devient si pur qu’on en arrive
Dans les glaciers de la mémoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifié pour la vie
Et l’on n’a plus besoin de personne
Le premier poème cite“une ancienne musique”(« Écoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique »). Pour moi, une pièce emblématiqueest l’air final de Didoand Æneas de Purcelljuste avant qu’elle ne meure. Je l’ai cité à la fin et cela m’a inspiréle titre « Adieux ».
“Remember me but, ah, forget my fate”
Tapio Tuomela