Compositeur espagnol né le 28 janvier 1930 à Bilbao

Né en 1930 à Bilbao (Espagne), Luis de Pablo a commencé très jeune ses études musicales, puis a étudié le droit à l’université Complutense de Madrid, dont il a été diplômé en 1952. Intéressé par les formes les plus modernes de l’art et ayant une vocation musicale, Luis de Pablo, alors avocat de la compagnie aérienne Iberia, entreprend de compléter sa formation par l’étude personnelle et intense des principales partitions du XXe siècle, tout en s’exerçant, en autodidacte, à la composition.A la fin des années 50, il abandonne le droit et commence à présenter ses oeuvres. En 1958, il fonde avec Ramón Barcé le groupe Nueva Música, auquel participe également Cristobal Halffter.
Dans les années 60, tout en continuant à composer, il développe une intense activité pour la promotion de la musique moderne dans son pays : conférencier, analyste (notamment des oeuvres de Webern), traducteur de la biographie de Schoenberg par Stuckenschmidt et des principaux écrits de Webern, alors inédits en Espagne. Editeur, fondateur des concerts «Tiempo y Música» en 1959 (où seront créés en Espagne Le Marteau sans maître et les trois sonates pour piano de Boulez, ainsi que Zeitmass de Stockhausen) et du groupe «Alea» en 1965, premier studio électroacoustique espagnol. Il organise également les concerts des «Jeunesses musicales» de 1960 à 1963 et une biennale de la musique contemporaine à partir de 1964.
Par cette activité et ses oeuvres, Luis de Pablo a sorti l’Espagne de l’isolement culturel où l’avait plongée le franquisme, il a introduit le sérialisme dans un pays où la musique s’était arrêtée depuis la guerre civile à l’esthétique folklorisante de Pedrell ou de Falla, et a réussi à imposer la jeune musique espagnole sur la scène internationale : Darmstadt, Donaueschingen et Paris.
Lui-même se rend à Darmstadt au début des années 60, il y rencontre Bruno Maderna, Pierre Boulez, Gyorgy Ligeti, Karlheinz Stockausen, puis va à Paris pour y suivre les cours de Max Deutsch, ancien élève de Schoenberg. La musique de Luis de Pablo reflète alors les tendances de toute une génération qui tente de renouveler le sérialisme par l’usage de l’aléatoire.
En 1972, il organise les «Rencontres de Pampelune», festival de musique, théâtre, cinéma et d’arts plastiques, apothéose de son activité de défenseur de l’art nouveau en Espagne. Mais expérience personnelle difficile puisqu’il est accusé par les franquistes de faire la part trop belle à un «art de gauche», et par l’ETA d’être un suppôt du régime (l’un des mécènes de ce festival sera d’ailleurs enlevé par l’ETA, et la manifestation arrêtée en raison d’attentats à la bombe). Luis de Pablo est alors contraint à l’exil, aux Etats-Unis tout d’abord (il enseigne à l’université de Buffalo), puis au Canada (professeur à l’université d’Ottawa et à celle de Montréal). Il retourne en Espagne, à Madrid, où il vit toujours, à la mort de Franco.
Ses nombreuses activités de conférencier, d’organisateur de concerts ou de conseiller [directeur du festival de Lille en 1982, directeur de la diffusion de la musique contemporaine au ministère de la Culture espagnol (1983), membre du comité pour le projet de l’Opéra-Bastille (1984), etc.], ne l’ont pas empêché de produire une oeuvre impressionnante (plus de 130 opus).Récompensé par d’innombrables prix, commandes internationales et concerts monographiques, son oeuvre s’est peu à peu dégagée de toute influence, pour trouver dans l’utilisation des traditions musicales non européennes une source d’inspiration harmonique et mélodique originale.
Sa musique est fondée sur le respect envers toutes les formes d’art, si éloignées soient-elles, si dissemblables apparemment, et entre lesquelles il excelle à dévoiler des similitudes, tout en souhaitant qu’elles conservent à jamais leur authentique différence. Parmi ses pièces, on trouve des hommages à Tomas Luis de Victoria, Claude Debussy, Beethoven, Schoenberg, Mompou, la musique iranienne, le nô, la flûte mélanésienne, et des textes de Vicente Aleixandre, de Pessoa, d’Ibn Gabirol, de Góngora, de Leopardi, les Epigrammes de Martial, des écrits aztèques… C’est la malle d’un «circumnavigateur» des cultures.
La découverte du monde infiniment varié des musiques ethniques a été pour lui une véritable révolution copernicienne, qui prive de fait la musique occidentale de cette place centrale qu’elle s’est toujours accordée. Loin de regretter qu’elle ne soit plus au centre, il se réjouit de pouvoir mêler sans plus de hiérarchie toutes les traditions dans le meeting pot de son oeuvre. Aucun éclectisme pourtant, car si les sources sont disparates, la technique, elle, est unificatrice.
Tous les compositeurs occidentaux ont emprunté quelques plumes colorées, qui au gamelang, qui au zarb ou à la biwa – mais toujours au titre de l’exotisme et afin de mieux affirmer la primauté du langage occidental. Luis de Pablo, lui, emprunte rarement de manière littérale aux traditions extra-européennes. Il n’utilise pas leurs instruments ni leurs gammes : il s’inspire du geste des instrumentistes. Ses mélodies, par exemple, seront toujours travaillées dans leur épaisseur, non pas pour de rigides pleins et déliés, mais comme le fait, avec son souffle, le joueur de flûte shakuhashi.Par l’instrumentation, l’harmonie, l’usage de micro-intervalles, il obtient toute la souplesse du coup de pinceau d’un calligraphe chinois. Des lignes aux contours variables s’entrecroisent donnant naissance à cette polyphonie complexe, instable, toujours savamment édifiée mais reposant sur le flou d’harmonies détempérées, parfois confuses, jamais tachistes.
Inventif, fantaisiste, poétique, leader de l’école espagnole actuelle, il est aujourd’hui une des personnalités les plus marquantes de la musique.Citons Luis de Pablo : «…Ce qui importe le plus de ne pas perdre, c’est la gourmandise. J’avoue plus volontiers être un hédoniste qu’un analyste. »