2013
L’oeuvre de la poétesse grecque Sappho, née sur l’île de Lesbos dans la mer Egée, nous est parvenue sous forme de fragments parfois extrêmement courts (1 ou 2 mots) : ses pages ont été mutilées par les rongeurs au fil des siècles, les textes les plus chanceux se voyant seulement « grignoter » leurs fins de vers qui se découpent alors sur la feuille comme une dentelle.
Certains de ses poèmes évoquent le sommeil et ressemblent à de courtes berceuses. Ils sont ici réunis dans une progression narrative qui va de l’inquiétude vers l’insouciance avant un retour à la solitude et une fin ouverte sur les caprices lumineux de la lune et des étoiles, le tout nimbé de cette douce tristesse qui teinte si souvent les mots de la poétesse.
La voix de soprano qui incarne Sappho est enveloppée de six voix d’hommes. Un choix qui peut sembler paradoxal pour celle que l’on imagine toujours entourée de disciples féminines, mais qui, en isolant son timbre dans cet écrin masculin, renforce le caractère et le destin exceptionnels de cette femme dont l’œuvre et la vie furent livrées à la postérité avec autant d’éclat que de mystère.
Les 8 courtes pièces de ce cycle sont des saynètes nocturnes orchestrées par la palette colorée du quatuor à cordes : dans les 1ère et4ème, Sappho ne prend en charge que quelques mots (les jeunes filles, l’espoir, le sommeil) ; dans les 2ème et 7ème, son soliloque a des airs de récitatif ; elle se tait dans la 5ème, laissant seuls les hommes paresseux ; décrit les sources ou les astres, dans les 3ème et 6ème, soutenue dans sa solitude par un tissu polyphonique bouches fermées ; vocalise à son tour dans la dernière pièce, pendant que les six voix masculines commentent sa contemplation de la clarté argentée de la lune.
Drame miniature, hommage aux délices mystérieux de l’endormissement et du songe.
Patrick Burgan