Hercule c’est un dégonflé. Pas même capable de répondre à la demande. Avec lui, pas de service après-vente, tout juste vit-il de ses royalties… Il voyage, certes, il va et vient, nettoyant des écuries par-ci, capturant quelques bœufs par-là ; il ose même jeter un œil aux portes de l’enfer pour museler le toutou Cerbère, mais au fond c’est un touriste désœuvré. Ah ! Il ne fait pas tache dans ce premier tiers du XXIe siècle. En fait, il est presque fier de lui-même (les réseaux sociaux lui renvoient une si belle image). Voyez, cette saison, en ce début d’automne, il croque quelques pommes – d’or bien sûr, mais de nos jours tout est possible avec l’I.A.-, puis en mars, il se débarrasse de trois commandes (du coup, c’est nous qui en héritons !), et encore, incapable d’agir seul, il se fait aider de trois éminents compositeurs.

Il embarque Alexandros Markeas pour nettoyer les écuries d’Augias, Farnaz Modarresifar pour s’occuper du chien Cerbère qui, paraît-il, pose quelques problèmes. Zad Moultaka, lui, fait office de vétérinaire pour apaiser les problèmes d’insomnie des gardiens des bœufs de Géryon (c’est ce que l’on m’a dit). Mais le pire, et vous le verrez un soir de janvier à la Friche de la Belle de Mai, c’est qu’il s’entête dans son désir : on a beau le supplier de venir aider, ici-bas, à quelques travaux supplémentaires, il préfère, d’une voix théâtrale, nous dire sa profonde lassitude, rester sur son nuage à bronzer tranquillement (pendant qu’il pleut des cordes sur terre). Ça, c’est encore Zad Moultaka, bien aidé par Bruno Messina, qui vont nous le relater. Et puis, comme toujours, la vérité éclate. Un lanceur d’alerte du nom de Claude Terrasse, (un copain de Debussy, mais d’un autre genre, plutôt féru d’opérette) a surpris une conversation dans un bistrot parisien : les 12 travaux ne sont pas de lui. Je veux dire, ce n’est pas Hercule qui les a accomplis mais Augias !

Le lâche, le menteur !

Alors Jean-Christophe Marti dépoussière tout cela pour nous offrir le scoop : une opérette bien ficelée, remise en état par lui-même, c’est beaucoup plus efficace que les fake news des réseaux sociaux !

Ainsi Hercule déçoit beaucoup.

Sa lâcheté nous laisse coi. Quoique…

Prenez le CNAV, entre ateliers, concerts et pédagogie à l’école, lui, il agit ! Ce n’est pas herculéen tout ça ? Disons-le, c’est herculéen !

Le travail herculéen, en cette saison, c’est pour nous également une belle tournée en Italie, allez, on vous y emmène, la reprise de la Messe gitane, la création d’une suite aux Folk Songs de Berio par Luca Antignani, et bien d’autres choses. Et si Hercule ne se montre pas à ces occasions, peut-être nous a-t-il laissé un peu de sa potion magique (sans quoi c’est impossible, non ?) pour accomplir notre propre tâche : créer, jouer et rejouer.

Roland Hayrabedian
directeur artistique