C’est le titre de l’œuvre de Martial Raysse qui fait partie de la collection du Musée Cantini de Marseille que j’ai repris ici pour illustrer cette oeuvre. La question de la représentation en musique est aussi vieille que la musique elle-même. Décrire ou représenter une œuvre plastique par des sons ne saurait bien sûr constituer une interprétation objective du propos initial.
Néanmoins, cette question de l’œil à l’écoute est depuis quelques années au centre de mon travail : « à propos de Nice » se voulait un dialogue imaginaire de ma musique avec l’œuvre éponyme du cinéaste Jean Vigo. « Les arpenteurs » est une œuvre pour la scène imaginée avec la chorégraphe Michèle Noiret.
Je vois donc en la proposition de Roland Hayrabédian consistant à réfléchir aux relations éventuelles entre une œuvre plastique et une œuvre musicale la possibilité de clore provisoirement (l’opéra devrait en constituer plus tard logiquement l’ultime étape) un cycle de trois œuvres consacré à « l’écouter voir ».
Dans le cas de l’œuvre présentée ici, c’est en spectateur que je me comporte : ayant vu cet été à Montréal une exposition de Bruce Nauman, j’ai été frappé par le fait que Martial Raysse, s’il utilise aussi des néons, est plus explicite dans son titre que dans sa réalisation. En revanche, Nauman quant à lui, dans des œuvres constituées des mêmes matériaux intègre souvent des mots ou des apostrophes dans son travail. Cette part de non-dit, cette volonté de communiquer par la globalité et non par la somme de messages explicites a constitué l’un des points qui a nourri l’imaginaire de cette oeuvre.
Après mes trois « Handspiele » écrits pour les 6 chanteurs des « Neue vocal solisten de Stuttgart » dans lesquels j’avais utilisé trois textes, respectivement en anglais, en italien et en français (façon Nauman, donc !), je pensais réaliser une pièce sans mots, formée de phonèmes dont l’unique qualité requise serait leur sonorité propre.
Mes éléments de vocabulaire à moi, compositeur, sont formés pour une part de tempéraments nouveaux, différents du tempérament classique. Ils constituent en effet une sorte d’anamorphose du tempérament occidental. Ce travail mené maintenant depuis de nombreuses années trouve ici une nouvelle application dans l’écriture d’une œuvre pour douze voix solistes.
Enfin, et pour revenir à notre propos initial, c’est une évidence, on ne regarde pas de la même manière que l’on écoute : l’oreille est environnée de sons alors que l’œil demande à se fixer dans un cadre. Ainsi mon regard quittera brutalement l’objet de son attention pour se fixer sur autre chose alors que mes oreilles s’en détacheront progressivement. D’un autre point de vue, alors que l’image persiste en mon absence, le son peut disparaître au moment où quelqu’un décide d’arrêter de le produire, à la fin d’un concert par exemple. L’œuvre est dédiée à Roland Hayrabédian et à l’ensemble Musicatreize.
François Paris