1991

Durée : 5 minutes

Il est toujours fascinant d’essayer de comprendre la rencontre d’un musicien et d’un poète. Pourquoi Louize Labé ?

Les vingt-trois sonnets qui composent la presque totalité de son œuvre sont des chants d’amour passionné. Dans une langue superbement lyrique, ils chantent les larmes plus que les joies ; mais ils disent préférer les larmes à l’absence de joie :

« Tant que mes yeux pourront larmes épandre

A l’heur passé avec toi regretter…

…Je ne souhaite encore point mourir.

Mais quand mes yeux je sentirai tarir,

…Prierai la mort noircir mon plus clair jour. »

Qui parle là ? La poétesse ? Le musicien ?

Le poème mis en musique par Ohana est le premier de l’ensemble des vingt-trois sonnets. Il le lit fidèlement, avec respect, comme se contentant d’épanouir la musique du vers, et en épousant le mouvement général du poème.

Mais aussi fidèlement qu’il le dise, cette lecture ne peut être que la sienne : pauses, élans, ruptures, variations de tempo et d’intensité, colorations harmoniques, oppositions de masses, échos, inflexions mélodiques, lui impriment une diction marquée de son sceau.

Voyez aussi comme, soudain, une idée l’arrête : « O temps perdu, ô peines dépendues »… la roue du temps se met à tourner sur elle-même ; une voix soliste s’en échappe et s’alanguit, nostalgique. Voyez comme le retient l’évocation lumineuse du sourire : “O ris”… cela s’anime, se répand de groupe en groupe, s’épanouit sur la crête claire d’une courbe pure, retombe en grappe charnue ; culmine enfin en un irrésistible et bref élan lyrique : “O fronts, ô cheveux”… Plus poignante en est la chute, en son inachèvement.

Les compositeurs