Annette Mengel est née à Giessen en Allemagne en 1961. Elle débute l’étude du piano en 1967 puis celle du violon en 1972. Après avoir obtenu un baccalauréat option musique et mathématiques, elle entre, en 1980, à la Musikhochschule de Hanovre, où elle étudie le piano avec Bernhard Ebert et l’analyse musicale avec Helmut Lachenmann. En 1985, elle obtient le diplôme de professeur de piano de la Musikhoschule de Hanovre. Elle complète ensuite sa formation en France, par des cours de jazz avec Alan Silva à l’IACP (Institut for Artistic and Cultural Perception) à Paris, un stage d’été au Centre Acanthes où elle travaille notamment avec Toru Takemitsu (1990), puis des cours de composition auprès d’Emmanuel Nunes à l’École nationale de musique de Romainville (1991-1995) et au Conservatoire de Paris (1993). En 1998, elle obtient une bourse du gouvernement français et suit un cursus d’informatique musicale aux Ateliers UPIC.

En 2002, elle est lauréate du programme Villa Médicis hors-les-murs de l’AFAA (Association française d’action artistique) et effectue un séjour de quatre mois à Istanbul. Son intérêt pour le Moyen-Orient et particulièrement la Turquie nourrit son inspiration. Ainsi, en 2000, profondément touchée par la vie et l’œuvre de Nâzim Hikmet, elle avait composé, à partir d’un poème écrit en prison par le poète turc, En güzel, commande d’État pour la Fondation Royaumont et la ville de Sarcelles, qu’elle avait dédié aux Neue Vocalsolisten de Stuttgart.
Les quatre mouvements d’En güzel s’enchaînent sans interruption et chacun peut exister indépendamment des autres. Deux mondes distincts, reflétant la double culture (orientale et occidentale) de Nâzim Hikmet, sont évoqués à travers l’utilisation de matériaux musicaux et linguistiques différents. Le premier et le troisième mouvement interprètent le texte turc au moyen d’un mode phrygien et de nombreux mélismes et ornements. Les deuxième et quatrième mouvements sont construits à partir d’idées abstraites et le texte est remplacé par des phonèmes qui se rapprochent parfois des mots turcs : küçük (petit), çiçek (fleur), çocuk (enfant).
De même, en 2004, Annette Mengel compose Toprak pour clavecin, bande et douze voix mixtes, d’après Paysages humains de mon pays de Nâzim Hikmet. Cette pièce, commandée par l’ensemble Musicatreize de Marseille, raconte le drame d’une paysanne anatolienne qui fuit son foyer pour rejoindre son amant. Inspirée par la musique ottomane monodique, la compositrice se concentre sur la dimension horizontale et sur les différentes manières d’ornementer et d’accentuer la ligne principale en créant des hétérophonies dynamiques autour de celle-ci. Elle utilise également les micro-intervalles et accorde le clavecin selon le makam « Segah ». La connotation d’instrument ancien est détournée à travers une écriture en octaves brisées évoquant le qanûn (instrument à cordes pincées courant dans tous les pays du Moyen-Orient). Le clavecin fait également le lien avec la partie électronique construite à partir d’un traitement de synthèse granulaire : des chants de grillons et de cigales se transforment en sonorité de clavecin et vice versa. Annette Mengel explore ici une double ambiguïté : ambiguïté entre langage musical contemporain et langage musical ottoman d’une part, et ambiguïté entre sonorités naturelles et artificielles d’autre part.
Inspirée par ce même poète et à partir du même recueil, elle compose aussi en 2009 Paysages humains pour soprano et ensemble instrumental, commande de Cultures France dans le cadre de la saison de la Turquie en France, qui dépeint le peuple turc.
Annette Mengel introduit également les instruments orientaux dans ses œuvres : le ney (flûte turque) dans Sabâ-Șehnaz Beste (2009), le tanbur dans Fantaisievariationen (2006). Cette dernière œuvre, composée à partir d’un thème de Dilhayat Kalfa, compositrice turque du XVIIIe siècle, associe le tanbur, luth turc à long manche pourvu de frettes amovibles, à un ensemble de huit instruments occidentaux. L’hétérogénéité de cette combinaison instrumentale, accrue par l’emploi d’instruments appartenant à des époques historiques différentes, procède d’une volonté de constituer un nouveau matériau musical hétérogène issu de traditions voisines, mais différentes.

Si Annette Mengel se sent en phase avec la création musicale contemporaine en France, elle reste attachée à sa culture allemande d’origine et à son héritage musical, issu de la tradition (Bach, Beethoven, Schumann…) et de la deuxième école de Vienne. Ainsi dans Identification IV pour mezzo-soprano, flûtes et dispositif électronique (2012), elle choisit de s’inspirer d’un poème d’Annette von Droste-Hülshoff, poétesse allemande contemporaine de Heinrich Heine, dont le contenu, éminemment féministe, dégage un élan de liberté. Musicalement ce texte est traité de différentes manières : chanté, parlé, chuchoté, crié… et une attention particulière est accordée à la musicalité des consonnes de la langue allemande, qui sont ensuite transformées par l’électronique.
De même, dans Ezan-Ländler pour cor et électronique (2008), la compositrice utilise des matériaux musicaux hétérogènes transformés par une technologie digitale, des éléments provenant de différents univers sonores : brames de cerf rappelant sa culture germanique, mais aussi appel à la prière, dans une volonté de dénoncer un climat politique marqué par le nationalisme et la peur de l’autre. Dans cette œuvre coexistent des éléments de médiation différents tels que des enregistrements et transformations électroniques de sons mais aussi l’interprétation en direct d’une partition par un corniste.

Les œuvres d’Annette Mengel résultent souvent de commandes d’institutions françaises (ministère de la Culture, Sacem, Fondation Royaumont…) et sont interprétées par des ensembles tels que l’Itinéraire, Musicatreize, L’Instant Donné, Les jeunes solistes et les Neue Vocalsolisten Stuttgart. À l’exclusion des grandes formations orchestrales, Annette Mengel écrit des œuvres de musique vocale et instrumentale pour des formations variées ainsi que des musiques de scène pour le théâtre, qui sont représentées dans divers festivals internationaux (Musica Strasbourg, Voix nouvelles Royaumont, Les Musiques Marseille, Manca Nice, Festival Internacional de Música Contemporánea Alicante, Festival d’Île-de-France),ainsi qu’à Berlin, Moscou, Istanbul… et retransmises par différentes chaînes de radio et de télévision en France et à l’étranger.

Annette Mengel est également l’auteur d’un mémoire de Master II en Musique et Musicologie de l’Université de Paris-La Sorbonne intitulé : “Nevâ Kâr” et “Nevâ Beste” de Buhûri-zâde Mustafà Efendi Itrî. Parallèlement à son activité de compositrice, elle est successivement enseignante à l’Université de Marne-la-Vallée (département Arts et Technologies) et au Conservatoire de Montpellier.

Ses oeuvres