1980
Pour 16 voix, ténor solo et orchestre
Florentz donne au rite de la Visitation une dimension universelle, en insérant quasi textuellement des polyphonies créées par les ethnies africaines lors d’une rencontre. Il a poussé l’observation jusqu’à remarquer la ressemblance des schémas mélodiques et rythmiques entre les duos de rencontre humains et les duos de couples d’oiseaux inter-tropicaux : le sonagraphe, appareil servant à transcrire visuellement les sons, montre l’influence notoire du milieu acoustique animal sur les tribus qui vivent à proximité. L’exemple cité compare un duo de cossyphes d’Heuglin, oiseaux d’Afrique du Sud, avec un duo de jeunes filles du Burundi, qui présentent un dessin presque identique.
L’orchestre du Magnificat regorge de duos et de polyphonies synchrones, issus tout droit du milieu africain, humain et animal : les vents, groupés par deux, se voient confier ces duos , comme les deux flûtes et les deux clarinettes à la page 43 de la partition.
L’écriture est minutieuse et précise, dans son rythme et sa mélodie, pour respecter le mieux possible les intervalles naturels et la vie rythmique de ces chants.
Outre ces emprunts africains, l’on trouve également des éléments du Moyen-Age occidental, pour signifier le fonds sacré de la rencontre : «La polyphonie, tant vocale qu’instrumentale, consiste en variations continuelles à partir de deux formes vocales anciennes qui sont : l’antiphone et le chant responsorial.»
L’antiphone grégorien fait alterner deux choeurs, sans recoupements; le répons fait alterner un soliste et un choeur, avec tuilage mélodique entre les deux. La partition réalise un jeu antiphonal et responsorial, par des imitations en canon, des questions/réponses sur de brefs motifs, pour exprimer le rite de la rencontre. Ces formes anciennes sont utilisées aussi dans la musique africaine de tradition orale, ce qui renforce encore la symbiose entre les deux continents : voir le Répons entre Ténor solo et choeur aux pages 18-19 de la partition.
Le rite des retrouvailles entre Marie et Elisabeth devient ainsi le prétexte à la fusion de deux mondes culturels et religieux, qui donne à cette oeuvre tout son relief et son chatoiement polysémique. Observons maintenant le rôle symbolique de la nature dans le Magnificat, laquelle est le théâtre de retrouvailles d’essence sacrée.
(Ircam)