Composé à la demande de la gitane andalouse Pastora Imperio, la plus célèbre des danseuses flamencas de l’époque, l’Amour sorcier devait à l’origine se présenter sous la forme d’un chant dansé. Mais, après avoir visité la famille de la danseuse et entendu sa mère, la tout aussi fameuse Rosario la Mejorana, chanter de vieux airs gitans, Manuel de Falla envisagea une partition plus ambitieuse.
L’action s’inspire de la légende de l’amant mort dont le spectre surgit chaque fois qu’un autre tente de prendre sa place. Le couple Candelas-Carmelo réussit à détourner l’attention jalouse du revenant vers une autre jeune fille, qui se prête au jeu, et peut enfin échanger le premier baiser d’amour qui rompt définitivement le charme maléfique. Trois chansons scandent l’action, chantée par une soprano en coulisses (Chanson de l’amour douloureux, décrivant la passion qui consume Candelas, les incantations du Cercle magique destinées à exorciser le spectre, Chanson du feu follet, qui compare l’amour à un feu follet).
Le succès du ballet ne vint qu’en 1928, lorsque la grande danseuse flamenca Argentina le donna à Paris. Mais l’Amour sorcier avait déjà fait le tour du monde sous l’aspect d’une suite pour orchestre, grâce notamment à la spectaculaire Danse rituelle du feu effectuée par Candelas, page qui, dans le ballet, suit immédiatement les incantations du Cercle magique. Falla s’inspire ici d’un chant de forge gitan, imitant avec réalisme le son des tambourins, pots et casseroles frappés, et conclut en une furieuse frénésie. Ici, l’élément espagnol atteint le summum de l’universalité.