1992
Pour chœur et six percussions
Durée : 50 minutes
L’œuvre correspond à une nouvelle version d’un drame lyrique avec chœur, percussions et théâtre d’ombres, qui fut créé à Strasbourg, en 1992. Désormais, deux interludes instrumentaux se substituent aux scènes parlées de la version originale.
En écho à la découverte des Amériques au XVe siècle, la Célébration des invisibles évoque dans le futur la mise au jour d’une autre forme de vie dans l’espace, d’une autre forme de ville… L’exploration d’un Nouveau Monde. La ville ici, déserte et stérile en surface, se révèlera surprenante… car souterraine et labyrinthique, au delà de l’imaginable, autrement industrieuse, invisiblement habitée… et pour tout dire : vivante. Un lieu patient où se convertit la lumière. Pour un autre usage sans doute que le nôtre, une autre conception de la vie dans l’univers. Entre les explorations passées et à venir s’élève ainsi un pont, la résurgence des mêmes risques, des mêmes erreurs. Quelles que soient les époques et les civilisations en cause, les exploits de la science, la découverte d’une terra incognita n’a-t-elle pas souvent le double visage du fabuleux et du tragique ?
Comme beaucoup de compositeurs confrontés à un texte – celui-ci est chanté par trois solistes et un chœur – Philippe Hurel n’a conservé que les informations les plus pertinentes pour l’auditeur, de manière à ce que l’attention ne se porte que sur certains mots clés qui puissent donner une idée de l’argument. Le résultat est donc avant tout “sonore” mais la structure formelle du texte a fortement influence la forme musicale. Ainsi, certains mots (oasis , planète, Cuzco , nouveau monde) ou certaines situations scéniques (rassemblement, joie de la découverte, inquiétude des protagonistes) sont caractérisés par des situations musicales particulières, sortes de meta-leitmotivs. À l’instar du texte, la partition se referme sur elle-même en une sorte de mouvement contraire, lequel, partant de sons sans hauteur précise (blocs de bois) , nous entraîne vers des polyphonies rythmiques harmoniquement claires pour nous ramener enfin à des sons sans hauteur précise. Les deux interludes instrumentaux viennent s’insérer comme de véritables commentaires des scènes chantées qui les précèdent tandis que le chœur a cappella sert d’épilogue. Par ailleurs, aux voyages des hommes et aux trajets qu’ils parcourent dans l’espace, correspond une trajectoire du son, fruit d’un travail sur la spatialisation instrumentale. Ainsi, dans certaines scènes, les instruments sont en perpétuel mouvement. Ils peuvent même, par instants, décrire des trajets paradoxaux, les motifs répétés et déformés par compression ou dilatation se déplaçant en sens inverse et se croisant dans les haut-parleurs. Si les musiciens sont placés sur scène de manière habituelle, c’est l’écriture et la simple amplification qui donne l’illusion de la spatialisation en six points. Ce travail d’écriture fut certainement l’une des principales préoccupations du compositeur . Comme dans beaucoup de pièces de Philippe Hurel, le résultat sonore se situe entre globalité de timbre et polyphonie, le rythme jouant ici un rôle très important.
Texte de Philippe Raymond-Thimonga