2015
Le terme eschatos est utilisé dans le Nouveau Testament pour indiquer qu’avec le second avènement du Christ, la fin commencera. L’eschatologie est le discours sur la fin des temps. Pour les chrétiens, il semble que Dieu porte et englobe son regard sur trois événements :
la mort des individus (l’eschatologie personnelle)
la fin des sociétés humaines (eschatologie humaine)
la fin du monde (eschatologie cosmique)
La possibilité concrète d’une catastrophe finale fait partie des débats contemporains : guerres, famines, cataclysmes, réchauffement climatique inexorable et inquiétant, tensions politiques mondiales, révoltes et indignations, surpeuplement de la planète. Pour la première fois dans l’histoire du monde, nous devons faire face à notre possible autodestruction. Avec Fukushima, Jeremy Rifkin écrit que le glas d’une époque sonne, que l’ère prométhéenne de l’humanité s’achève, et qu’avec l’exploitation systématique des ressources arrachées à la terre, une nouvelle prise de conscience globale pourrait se dégager. Ainsi, une troisième grande révolution industrielle commencerait, qui se fonderait sur le sentiment collectif qu’il n’est plus possible de continuer ”comme avant”.
En 1945, ”Little Boy” explose sur Hiroshima : pour Günther Anders, essayiste et penseur allemand d’origine juive (1902-1992), c’est le début de la fin. L’homme a acquis le pouvoir de mettre un terme à son époque. Auparavant, il pouvait anéantir des hommes, maintenant il peut anéantir l’espèce humaine et transformer la terre en un vaste désert. Mais si la menace atomique semble reculer, le fait que l’homme contemporain cherchant à se rendre maître et possesseur de la nature par l’exploitation effrenée des resources terrestres, a engendré des conséquences environnementales irréversibles : la destruction de la couche d’ozone, l’effet de serre, la montée des eaux, la pollution des océans, des mers, des fleuves. Ce contexte inquiétant donne au Livre de l’Apocalypse une actualité étonnante à cause de l’abondance des prophéties catastrophiques qu’il contient. Martin Rees, l’éminent astronome, donne à l’humanité une chance sur deux de survivre au siècle actuel. Récemment, le biophysicien britannique, James Lovelock, prophétisait rien de moins que la disparition possible et rapide de 80% de la population mondiale. L’impossible est-il certain ? Quelle doit être l’attitude de l’humanité quand l’impossible est certain ? Faut-il méthodiquement envisager le pire ? Faut-il apprendre à penser la catastrophe comme certaine et présente, au lieu de l’appréhender comme éventuelle et future ? Présenter la destruction de l’humanité comme inéluctable, avec l’espoir qu’elle puisse être ensuite évitée ? Il est étonnant de constater l’apparente indifférence de l’humanité face à ces menaces. En 1969, Günther Anders écrivait : ”Au-delà de la question de savoir si le monde continuera à exister ou non après son éventuelle fin, nous n’attendons (…) aucun royaume de Dieu, nous n’attendons tout simplement rien”.
En fait, l’Apocalypse a peut-être déjà commencé : il ne reste sur notre planète plus que quelques lambeaux de la forêt primitive ; la moitié des primates est en train de s’éteindre définitivement ; les abeilles sont décimées par les pesticides ; un septième continent, tel une immense soupe de plastique grande comme six fois la France, est en train de s’installer dans le Pacifique (300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque années dans le monde, dont près de 10% finissent dans les océans). L’empreinte de l’homme sur son environnement atteint un stade qui dépasse l’entendement. Les campagnes ne sont plus que des cultures, arrosées par des pesticides qui ne laissent plus aucune chance à la biodiversité. Et près de chez nous, le Rhône est un grand fleuve mort qui charie des poissons empoisonnés par les PCB. Ainsi, l’Homme a déclaré une guerre totale à la nature. Si nous n’entreprenons rien, l ‘avenir sera noir, très et il n’y aura plus de vert, et le bleu deviendra gris.
Ces réflexions sont à la base de l’idée qui a germé en moi pour réaliser ce que je pourrais nommer une ”fresque musicale mystique et écologique” dans laquelle des prophéties vieilles de près de 2000 ans en percutent d’autres prononcées à la fin du XXe siècle, et qui n’ont, elles, rien de religieux, car elles se basent sur des appréciations, des déclarations émises par des scientifiques et des philosophes qui avertissent très concrètement l’humanité du danger irrémédiable qu’elle encourt si rien n’est entrepris pour la sauver. Les textes prémonitoires de l’Apocalypse, par les descriptions cataclysmiques qu’ils contiennent, nous renvoient maintenant à notre réalité. Ces textes annonciateurs de la fin du monde ont justifié, corroboré et confirmé les malheurs, les disgrâces qui pourraient encore s’abattre sur nous si nous n’agissons pas.
Eskatos est constitué de cinq parties distinctes :
- L’ère du sursis, qui débute avec une énumération succinte de certaines divinités grecques telles que Gaia (mère d’Ouranos, divinité chtonienne, la déesse mère), Ouréa (la Montagne, fils de Gaia), Ouranos (le Ciel ), Théia (une titanide, fille d’Ouranos). Et puis cette phrase frappante de Sahih Boukhari : l’heure ne viendra que lorsque le temps passera très vite.
- Les sept sceaux, textes extraits du sixième livre de l’Apocalypse, avec leurs annonciations terrifiantes de séismes, du soleil qui deviendra noir, des étoiles qui se mettront à choir.
- Les sept anges, textes extraits du huitième livre de l’Apocalypse : la grêle et le feu, les tremblements de terre et les tsunamis, la mer qui tourne en sang et les fleuves empoisonnés.
- On tue la terre, lamento sur cette phrase prémonitoire.
- Le temps de la fin : longue énumération des principaux fléaux dont nous sommes témoins, textes inspirés de certaines phrases écrites par Günther Anders, et d’autres qui ont été trouvées sur le site « SOS planète ». Elles seront déclamées au moyen d’un mégaphone.
Gérard Zinsstag